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La tribologie est la science qui étudie les mécanismes (frottement, usure, lubrification) qui
se produisent entre deux corps en contact statique ou en mouvement relatif. Elle a pour objet d’optimiser le fonctionnement des liaisons ou des mécanismes qui existent aussi bien dans les machines, (moteur à combustion interne, boîte de vitesse…) que dans les systèmes vivants (articulations, prothèses…). Une part importante de l’énergie consommée dans un système mécanique (10% à 30%) se perd par frottement. Les pertes par frottement et usure représentent entre 1,5 et 3 % du PIB des pays industrialisés.
La lubrification est l’un des moyens permettant la réduction des pertes par frottement et la protection des surfaces contre l’usure. Elle consiste à introduire entre les surfaces frottantes un film mince gazeux, liquide ou solide, réducteur de frottement. Ce film lubrifiant, constitué généralement d’un mélange de base et d’additifs, assurera la séparation entre les surfaces (réduction de l’usure) et facilitera le mouvement (réduction du frottement). Le travail présenté dans cette thèse s’inscrit dans le cadre général de stratégie de lubrification du remplacement des additifs conventionnels, par des particules colloïdales de phases réductrices de frottement et d’usure, à la fois pour optimiser des performances des lubrifiants, augmenter leur durabilité et réduire la pollution qu’ils peuvent générer. Les travaux antérieurs ont montré que l’introduction d’un lubrifiant solide composé de nanoparticules lamellaires en présence d’un liquide de faible viscosité entraînait une réduction spectaculaire du coefficient de frottement. L’objectif principal de la thèse est donc l’élucidation des mécanismes d’action mis en oeuvre lors de ce processus de réduction du frottement. La stratégie expérimentale mise en place au cours de cette thèse pour élucider les mécanismes d’action des nanoparticules lamellaires et du liquide organique est basée sur une méthodologie originale permettant l’analyse in situ des paramètres physiques (pression, épaisseur) et des processus physicochimiques (modification des espèces chimiques) existant dans le contact dynamique par microscopie Raman. Les essais tribologiques réalisés sur les films de nanoparticules (graphite exfolié et CND-G) en présence d’un liquide de faible viscosité ainsi que ceux réalisés à partir de dispersions de nanoparticules dans du dodécane conduisent à une réduction immédiate du frottement, les coefficients obtenus étant deux à trois fois plus faibles que ceux obtenus après la période d’induction sur les différents essais à sec. L’analyse morphologique des cicatrices d’usure nous a permis de montrer que cet effet de réduction du frottement est associé à la formation d’un contact conforme par constitution d’un film épais de nanoparticules dans la zone de pénombre de Hertz. Cette conformité conduit au changement de régime de lubrification limite (vitesse quasi nulle ; coefficient de frottement t 0,15) vers un régime mixte ou EHD (vitesse de glissement de quelques mm/s ; coefficient defrottement à μ = 0,03). Des essais complémentaires ont montré qu’en absence de film dans la zone de la pénombre de Hertz (sans conformité du contact) une réduction du frottement est aussi obtenue, impliquant qu’un deuxième processus de réduction du frottement intéresse la zone de haute pression du contact. Ce processus a été étudié par microspectrométrie Raman in situ. Les analyses in situ par microscopie photonique et par microspectrométrie Raman effectuées dans le contact non conforme (pas de film dans la zone de la pénombre de Hertz) lubrifié avec les dispersions de graphite exfolié et de CND-G dans la 5P4E ont montré que la réduction du frottement est associée à la présence simultanée des nanoparticules (graphite exfolié, CNDG) et du fluide (5P4E) dans l’interface de glissement, les particules lamellaires présentes dans le contact étant orientées parallèlement au plan de glissement. La présence du liquide dans l’interface permet d’une part de réduire les contraintes mécaniques subies par les nanoparticules dans la zone de haute pression (taille des domaines cristallins supérieure à celle observée dans le cas des tribofilms formés à sec) et d’autre part de faciliter leur orientation avec leurs feuillets de graphène parallèles au plan de glissement. Les études quantitatives des distributions de pression et d’épaisseur dans le contact lubrifié en présence de 5P4E pure et des dispersions ont permis de montrer qu’il y a une légère augmentation de l’épaisseur du film lubrifiant et de la pression dans l’interface de glissement par rapport au contact lubrifié sans particules. Enfin l’acquisition de profils spectroscopiques Raman, le long du diamètre de contact dynamique parallèle à la direction de glissement lubrifié par une dispersion à 5% de graphite exfolié dans la 5P4E, à faible et forte charge normale a permis d’établir simultanément les distributions de pression, d’épaisseur de lubrifiant, de concentration en nanoparticules dans le contact et sa périphérie (pré-convergent, convergent, divergent). Les différentes étapes de filtration des agrégats suivant leur taille dans le pré-convergent et dans le convergent conduisent à une réduction de la concentration en nanoparticules et une diminution de la fraction volumique de la phase dispersée dans la 5P4E. Sous l’effet du cisaillement, les agrégats résiduels vont se dissocier et s’orienter parallèlement au plan de glissement pour leur admission dans le contact. Le lubrifiant dans l’interface de contact est ainsi constitué de la 5P4E et des particules lamellaires. L’ensemble des résultats acquis au cours de ce travail nous a permis de proposer un modèle de mécanismes de réduction du frottement par les nanoparticules en dispersion dans un liquide de faible et de moyenne viscosité.